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la marionette et le pantin
"Que c'est triste"
disait la marionnette au pantin,
"que c'est triste
de te voir attaché.
De chaque main
part une ficelle
qui semble te relier au ciel,
mais qui sert simplement à te manipuler.
Chaque mouvement
de tes pieds,
c'est évident,
se fait au commandement.
et continuellement, tu es ainsi mené
par le bout du nez.
Quant à tes sentiments
est-il possible de penser
que tu puisses rire ou pleurer
ou même seulement parler,
sans que l'ordre expressément
t'en ait été donné ?
Peut-on imaginer un seul instant
que ton cœur
ne soit relié
de même façon
à un ordinateur
et que tu ne connaisses du bonheur
autre chose qu'une définition
imposée de l'extérieur ?
Quel dommage
que tu n'aies point le courage
de couper absolument
tous ces fils, immédiatement.
Une fois détaché,
de tes mouvements
tu serais le maître
incontesté,
tu n'aurais plus à paraître
ainsi diminué,
et je pourrais gager
quand tu déclares ta flamme
que c'est avec ton âme
que tu m'as ainsi parlé.
Quel dommage
que tu ne sois pas
comme moi,
libre d'aller.
Regarde moi :
point de fils pour m'attacher.
Rien autour de moi
pour me manipuler.
Je suis libre, te dis-je, absolument,
de diriger ma vie
selon mon entendement.
Je te fais le pari
que de mon existence
j'ai percé tous les secrets
et, sans me vanter,
je peux te déclarer
que de la liberté
je connais tous les aspects".
" c'est bien vite jugé
selon les apparences "
répondit le pantin.
" ne voyez-vous pas
à l'endroit du cœur
la main
qui vous manipule de l'intérieur
et fait de vous une marionnette !
Que vous êtes simplette
de me tenir ce raisonnement !
Et votre liberté
n'est-telle pas seulement,
celle d'être aveuglée ?
Est-ce sage
de méconnaître ainsi
de la vie
tous les rouages,
et de penser
que l'on est fort
simplement
parce qu'on ignore
comment l'on est constitué ?
Je suis pantin, certes,
mais je peux l'assumer.
Je trouve la vie belle
à être ainsi relié.
A plus grand que moi je fais toute confiance
et jamais d'indifférence
je n'ai été payé.
Et, savez vous, ma belle,
que c'est bien souvent moi
qui tire les ficelles,
alors que sans elles
je ne serais, ma foi,
qu'un petit tas de bois
tout désarticulé. "