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La souffrance
Pourquoi pensons- nous que la souffrance est inéluctable ?
Nous « gagnons » notre vie au prix de notre sueur et de notre sang ou bien nous essayons d'accumuler quelques plaisirs en craignant toujours d'en « payer la facture » un jour ou l'autre. Nous vivons ainsi dans la souffrance ou dans la crainte de la souffrance à venir ou encore en essayant de s'étourdir pour l'oublier et ainsi toute notre existence est sous-tendue de manière plus ou moins consciente par cette pensée de la souffrance.
Est-ce vraiment la Vie ? Ou bien est-ce un simulacre de vie que nous créons ainsi parce que nous sommes collectivement persuadés que cela ne peut être autrement ?
Pourquoi attirons nous ainsi la souffrance ? Entre autre parce que nous la jugeons utile.
Certains pensent à elle comme à un moteur d'évolution spirituel et c'est vrai qu'elle peut nous interroger, nous faire bouger et donc éviter l'immobilité qui peut être considérée comme une certaine forme de mort.
Certains la jugent indispensable comme signal et il est vrai que sans elle, quand nous nous brûlons le doigt, nous risquerions de nous brûler la main entière !
Ce type de pensée a creusé en nous un sillon si profond qu'il nous cache tout autre éventualité.
Et pourtant ! Ne pouvons nous pas imaginer une évolution où le ferment est l'Amour et où le moteur est la recherche d'une vision globale non égocentrique de la vie ?
Mon chien ne se brûle jamais car il a, je crois, une conscience plus tournée vers le présent et il est ainsi plus vigilant aux signes lui indiquant que la chaleur devient trop forte à un endroit donné. Les chevaux sentent si le courant électrique est mis dans une barrière en captant les vibrations de l'air dans son voisinage ? Les animaux ont-ils des dons particuliers ou simplement une façon différente de se mettre à l'écoute des signes donnés par leur environnement?
Je pense que l'un de nos grands problèmes est d'avoir misé la plus grande part de notre évolution sur le mental et sur ce que nous voyons au travers de sens que nous utilisons de manière limitée. Le mental est un outil formidable qui nous permet de comparer, d'analyser, de rendre notre environnement directement compréhensible et donc transformable dans le sens que nous jugeons le plus confortable pour nous. Mais il a un énorme défaut : il conçoit et modélise la vie à l'intérieur du fini car il s'appuie sur ce que perçoivent nos sens. Or je pense que la caractéristique de tout ce qui vit est d'être infini. Nous nous voyons et nous concevons finis dans le temps et l'espace alors que tout en nous est infini et que nous sommes donc, d'une certaine façon, aussi vaste que l'est le cosmos ou tout autre élément que nous savons immense.
Quelle importance y a-t-il à se concevoir infini et à concevoir que tout ce qui nous entoure est infini ? Puisque dans l'apparence ma vie se déroule dans le fini, seul le fini est gérable par moi.
Seul le fini est gérable par le mental, mais si nous sommes plus vaste et si notre mental est plus vaste que ce que nous en pensons, tout un univers de possibles s'ouvre à nous. Au lieu de nous heurter à des problèmes qui semblent nous dépasser, nous pouvons les englober, les intégrer à l'intérieur de nous et faire confiance à notre vastitude pour trouver des chemins hors des sentiers battus.
Si nous sommes infinis, nous ne vivons pas en juxtaposition les uns par rapport aux autres, nous vivons en interpénétration et forcément tout ce qui concerne l'un concerne l'autre, ; nous sommes en relation permanente, et si nous nous faisons en sorte que cette interrelation devienne symbiose ; nous avons l'expérience de tout ce qui existe pour que la solution trouvée quelque part par la vie puisse devenir solution partout.
Voilà de nouvelles perspectives suffisantes, je crois, pour que l'on puisse douter de notre certitude que certains problèmes dont la souffrance soit programmés et inéluctables. Et dès que l'on doute d'une certitude établie en nous, on ouvre un nouveau possible. Cherchons à nous investir dans celui-là et voyons où il nous mène: Peut-être déjà à la Joie de ne plus se sentir éternellement dominé et de se savoir capable d'agir à des niveaux différents de celui de nos expériences habituelles - niveaux qui même s'il ne nous sont pas directement perceptibles, sont suffisamment imbriqués avec notre quotidien pour pouvoir agir en lui- . Peut-être aussi, simplement, serons-nous dans la Joie de nous sentir en relation avec le cosmos entier et de nous sentir membre de l'immense famille de la Vie.
Et se reconnaître et être reconnu membre de cette famille globale est le pas fondamental qui nous unit au Tout et nous permet de ne plus nous sentir isolés et de vivre avec et non plus contre.
Et la souffrance ne vient - elle pas de tout ce qui nous divise tant entre nous qu'à l'intérieur de nous ? Ne vient-elle pas de toutes les forces que nous mettons en place et qui nous font vivre en opposition et donc dans une tension intérieure permanente ? si c'est bien le cas, rien que de se penser autre n'est-il pas le pas fondamental à faire pour changer les lois de base auxquelles nous nous soumettons actuellement et n'est-ce pas cela qui nous entraînera le plus sûrement vers une véritable évolution ?
Monique